Prendre position ou laisser advenir ?
Etre dirigeant oblige à une certaine impartialité, une certaine neutralité, un certain recul, à savoir quand exprimer ses ressentis, craintes ou enthousiasmes et quand laisser chacun(e) se saisir de la masse d’informations reçues pour se faire son propre avis.
Et en même temps, l’expérience démontre que le propre des leaders et des équipes performantes est de savoir mettre sur la table les bons sujets au bon moment, avec les bonnes personnes et de la bonne manière.
Savoir mettre sur la table les bons sujets au bon moment, avec les bonnes personnes et de la bonne manière.
Et ce, le plus rapidement possible, dès les prémisses, l’apparition des premiers signaux faibles, pour être en mesure de traiter ce sujet avec le plus de recul et d’anticipation possible. Et non sous le joug contraint des conséquences directes de ce qui n’aurait pas été décelé par avance.
En période d’incertitude, de doute et de bouleversements profonds de l’écosystème dans lequel ils évoluent, ceci est particulièrement déterminant. Car alors, la sensibilité aux signaux sourds est exacerbée. La majorité guette les événements avant-coureurs de tendance. Le regard que nous posons sur le monde détermine alors nos biais de perception de la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Le regard que nous posons sur le monde détermine nos biais de perception de la situation
Ceux qui sont plutôt « verre moitié plein » recherchent la confirmation de ce choix de regard posé sur le monde dans le moindre signe d’un regain de confiance, d’éléments positifs dans leur environnement immédiat, de raison d’y croire, d’espérer, voire de se réjouir. Ils cherchent à déceler la moindre brèche dans laquelle s’engouffrer pour faire advenir ce « meilleur possible » et le construire pierre après pierre.
A l’inverse, ceux qui sont plutôt « verre moitié vide » prêtent attention plus facilement à ce qui ne va pas ou ne marche pas encore, à ce qui s’est détérioré, ce qu’ils craignent, redoutent et parfois tendent par ce regard à faire arriver.
La « prophétie autoréalisatrice » marche dans les deux sens, tel un aimant attire la limaille de fer à lui selon des faisceaux puissants, nous focalisant, consciemment ou non, sur ce que nous espérons ou redoutons le plus. Alors, quels réflexes établir pour court-circuiter ces biais ?
Suis-je sûr(e) ? Est-ce certain ?
Le premier réflexe en contexte incertain est de prendre régulièrement un temps de recul, nécessaire. Questionner son regard et checker volontairement la « neutralité » de ce regard.
Suis-je certain(e) de ce que j’avance ?
Sur quelles bases concrètes ai-je établi ce constat ?
Ces conclusions sont-elles teintées de mes craintes, de mes doutes, de mes peurs ou au contraire de mon enthousiasme, de ma volonté de faire advenir, de mes rêves.
Que puis-je en conclure ?
Est-ce bon pour moi, pour ceux qui m’entourent, pour la société ?
Puis-je agir ? Changer quelque chose ? Faire ma part ?
Notre cerveau procède sans arrêt à des recoupements et à des simplifications à partir d’éléments éparses. Ce qui présente de nombreux avantages dans une majorité de cas devient un potentiel inhibiteur ou un « accélérateur de catastrophes » quand les émotions s’en mêlent et que notre cerveau reptilien prend le contrôle. Nous prenons alors des raccourcis, pas forcément avantageux ou pertinents, dictés par notre instinct de survie nous poussant à l’inertie, la fuite ou le combat. A nous, alors, de repérer le processus instinctif et de lui soustraire notre capacité à appeler notre cerveau frontal et à retrouver notre marge de manœuvre, notre capacité à agir en conscience.
Que puis-je faire, ici et maintenant ?
Qu’est-ce qui est dans ma zone d’influence ?
Quel serait mon premier pas pour faire advenir ce que je souhaite (plutôt que ce que je crains) ?
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